Intervention résumée
à la réunion du GEMTO
consacrée à la santé mentale le 18/06/02
Dr ELHUY
Praticien hospitalier,
Chef de service de psychiatrie adulte de l'hôpital de Noyon

Je vais donc vous présenter le secteur de psychiatrie adultes de NOYON, qui est celui que je connais le mieux, et à travers lui la sectorisation psychiatrique qui est le mode d'organisation de la psychiatrie publique en France.

Quelques mots d'abord pour situer la sectorisation dans l'histoire de l'organisation psychiatrique.

Historiquement, le moment fondateur de l'organisation psychiatrique, est la loi de 1838 qui, légèrement modifiée en 1990, régit toujours les hospitalisations.
Cette loi stipulait qu'il devait exister un lieu par département pour accueillir les aliénés. Ce lieu devait être le plus central possible pour qu'il soit accessible de tous les lieux du département en moins d'une journée à cheval. Cette définition administrative n'était pas innocente. Il s'agit d'un choix délibéré de l'un des termes d'une alternative qui est toujours d'actualité.
Selon les pays, l'hospitalisation d'une personne présentant des troubles psychiatriques est le fait soit du juge, soit du représentant de l'état. L'alternative judiciaire est aujourd'hui la plus fréquente. Elle a pris sa source dans les pays anglo-saxons Elle gagne du terrain. La solution administrative reste la règle en France. Donc, lorsqu'un patient présente des troubles qui mettent gravement en péril sa sécurité ou celle d'autrui, le Maire dans les 24 premières heures puis le Préfet prennent des arrêtés d'hospitalisation sous contrainte au vu de certificats médicaux. C'est également l'autorité administrative qui décide la fin de l'hospitalisation toujours sur avis médical*.

* Il existe deux autorités de contrôle :
- la justice d'une part à laquelle peut faire appel le patient, sa famille, etc…
- la commission des hospitalisations psychiatriques, instance composée de membres d'associations d'usagers, de juges et de médecins qui jouent un rôle consultatif auprès de l'autorité administrative.

Etant donné le choix de l'option administrative, on comprend donc que, en 1960, lorsque des ordonnances ont tracé les grandes lignes d'un nouveau fonctionnement psychiatrique, on a tout naturellement choisi l'option d'une organisation géographique calquée sur les découpages administratifs.

Les secteurs de psychiatrie adultes sont donc des zones géographiques qui sont composées d'un certain nombre de cantons de telle sorte que la population couverte soit d'environ 70.000 habitants. A titre d'exemple, le secteur de NOYON comporte 5 cantons, NOYON, GUISCARD, LASSIGNY, RIBECOURT et RESSONS-sur-MATZ. Sa population est de 75.000 habitants.

Revenons à l'histoire pour comprendre mieux la vie du secteur.
Le secteur de psychiatrie est, si l'on peut dire, le résultat de la combinaison de deux ascendances.
- D'un côté, il y a l'ascendance hospitalière dont j'ai déjà parlé. Elle est représentée par l'asile départemental devenu progressivement Centre Hospitalier Spécialisé puis Centre Hospitalier tout court. Elle est relativement monolithique et très encadrée par la loi.
- L'autre ascendance est beaucoup plus complexe et multiforme. Dès avant la deuxième guerre mondiale, certains précurseurs, souvent dans le cadre d'associations privées, avaient créé ce que l'on appelait communément des centres d'hygiène mentale ou des centres de guidance. Ces services avaient éclos un peu partout, sans véritable structure, pour répondre à une demande psychologique qui se faisait jour dans le social sans correspondre, pour autant, aux critères de l'hospitalisation psychiatrique. Après la guerre, le développement de ces centres s'est systématisé sous la responsabilité des départements.
La grande idée des ordonnances de 1960 a été de confier à une équipe cohérente, multidisciplinaire, sous la responsabilité d'un médecin-psychiatre la responsabilité de l'ensemble des actions de prévention et de soins psychiatriques sur le secteur que j'ai défini tout à l'heure.

A partir de 1970, des circulaires ont précisé ce nouveau fonctionnement et ont profondément transformé le paysage psychiatrique qui était resté, il faut bien le dire, quasiment inchangé depuis 1838.
Sur le plan des hôpitaux, cela s'est traduit par le morcellement de ces grands lieux de concentration pour aboutir à la création de services hospitaliers mixtes (c'était une nouveauté) par secteur. Les équipes de secteur psychiatrique ont été chargé de reprendre ou de créer des dispensaires d'hygiène mentale qui ont été rapidement dénommés des centres médico-psychologiques.

On a du mal à imaginer aujourd'hui la joyeuse pagaille dans laquelle s'est déroulée cette transformation et l'enthousiasme qu'elle a suscité.

En 1985, une loi est venue codifier les mouvements un peu désordonnés mis en route par les circulaires. Cette loi a principalement décidé de réunifier sous une autorité unique les structures hospitalières et les structures de secteurs qui étaient auparavant les unes sous la responsabilité de l'hôpital et les autres sous la responsabilité du département, ce qui créait souvent des situations cocasses. L'ensemble des structures a donc été mis sous la responsabilité hospitalière, ce qui, là encore, suscite ici ou là des débats houleux.
L'arrêté de 1986 qui a fixé les différentes structures qui pouvaient êtres créées par les secteurs, à savoir les hôpitaux de jour, les CATTP, les CMP, les appartements thérapeutiques, les foyers de post-cure et les placements familiaux thérapeutiques a fini de fixer un cadre qui est resté à peu près inchangé jusqu'en 2002.

Pour illustrer mes propos, reprenons donc le secteur de NOYON :
75.000 habitants, 5 cantons.
Son centre, tant fonctionnel que géographique, est le Centre Médico-Psychologique de NOYON. C'est le lieu d'accueil, c'est l'interface, c'est le lieu organisateur de la prévention et des soins.
L'équipe multidisciplinaire se compose d'environ 2 équivalents temps plein de psychiatre, répartis sur les 4 temps plein et demi que comportent le service. L'équipe infirmière est composée de 5 infirmiers sous la responsabilité d'une surveillante ou encore d'un cadre. Un temps et demi de psychologue, un temps très partiel de relaxologue, un temps d'assistante sociale, un mi-temps d'ASH et enfin deux temps de secrétaires complètent le dispositif.


Le CMP a plusieurs fonctions :

- La première, c'est l'accueil des demandes et notamment des demandes de consultations. Ces demandes sont traitées par les secrétaires mais, de plus en plus par les infirmiers.

En raison du grand nombre de demandes, ou de la faiblesse de nos moyens, il existe une liste d'attente importante. Il nous faut donc mettre en place une stratégie pour ordonner les demandes en fonction de leur urgence. A partir du moment où le patient a fait une demande puis l'a confirmée une quinzaine de jours plus tard, il voit un infirmier qui va évaluer les troubles et orienter le patient. Soit celui-ci demandera qu'il soit vu très rapidement par un psychiatre, soit il continuera à le voir régulièrement jusqu'à ce qu'il y ait une place disponible, soit il restera en contact, soit enfin il l'orientera vers la psychiatrie privée (où les délais d'attente sont aussi longs que les nôtres) ou d'autres structures médico-sociales.
Bien entendu, l'équipe du CMP peut, lorsque cela est nécessaire, faire en sorte qu'un patient soit vu très vite, notamment lorsqu'un médecin généraliste nous explique la gravité des troubles.
On l'a bien compris, après l'accueil vient la prise en charge assurée, en fonction de leurs compétences et de leurs techniques particulières par les médecins, les psychologues, la relaxologue, les infirmiers mais aussi, parfois, les assistantes sociales.

- La seconde fonction du CMP est l'urgence. Quand je parle d'urgence, il ne s'agit pas de la consultation urgente mais de l'urgence véritable, l'angoisse massive, les menaces suicidaires avérées…etc…
L'équipe infirmière assure au premier chef cette urgence. Par sa situation, à la frontière de l'hôpital général (nous sommes à l'entrée de l'hôpital), le premier lieu où nous intervenons en urgence est l'UPATOU, service d'urgence du centre hospitalier.
Cette urgence est assurée tous les jours, de 8 heures 30 à 19 heures et le samedi matin de 8 heures 30 à 12 heures 30. Un infirmier, comme il est prévu dans les textes, se déplace sur le champ, il participe sous la responsabilité du médecin urgentiste au travail d'évaluation de soins et d'orientation des patients adressés pour des troubles psychiatriques aigus.
L'urgence, cela n'est pas que l'hôpital. Les infirmiers peuvent se rendre sur le lieu de vie ou de travail du patient, si les circonstances l'exigent.
Cependant, cela ne peut se faire que dans des conditions précises et notamment, sauf cas exceptionnel, avec l'accord du patient.
Au plan de l'urgence, il faut préciser que cette réponse sectorielle vient en complément d'une réponse 24 heures sur 24 organisée sur le plan départemental par le CHI de CLERMONT et notamment son Unité Accueil Urgence.

Cette unité assure la permanence de la réponse à l'urgence en collaboration avec les services d'accueil et d'urgence des hôpitaux pivots (COMPIEGNE, CREIL et BEAUVAIS). Par l'intermédiaire de la cellule d'urgence médico-psychologique elle est également capable d'envoyer à tout moment une équipe d'appui médico-psychologique en cas de catastrophe.
Le CMP est également le point de départ de ce que l'on appelle la psychiatrie de liaison. Cela signifie que l'équipe du CMP intervient, dans le cadre d'une convention, dans les services de médecine, de chirurgie et d'obstétrique de l'hôpital général. Un médecin psychiatre intervient tous les jours de la semaine, une psychologue intervient trois fois par semaine. L'équipe infirmière intervient à la demande.
La psychiatrie de liaison a pour objet de prendre en charge les patients hospitalisés à l'hôpital général pour des pathologies psychiatriques (dépressions, troubles anxieux…) et les patients pour lesquels on se pose le problème d'une origine psychologique à des plaintes d'allure somatique.

A NOYON, la psychiatrie de liaison n'a pas pour mission de prendre en charge les conséquences psychologiques des maladies somatiques mais elle a œuvré, avec succès, pour que le Centre Hospitalier engage une psychologue.
Le CMP a également une mission d'intervention régulière ou moins régulière dans des structures sociales ou médico-sociales ou le versant psychologique voire psychiatrique est présent de façon insistante. Ainsi, il y a des interventions infirmières très régulières dans les maisons de retraite publiques du secteur. Il y a des interventions infirmières un peu moins régulières au centre d'habitat, avec le foyer d'hébergement du CAT de NOYON. Il y a des visites fréquentes au foyer AFTAM où résident beaucoup de nos patients. Ces visites permettent des relations permanentes avec ces différents structures qui facilitent bien entendu les projets individuels qui peuvent se dessiner pour certains de nos patients : entrées en maison de retraite, admissions au CAT, logements en foyers d'hébergement.

- Enfin, le CMP a une fonction de prévention.
Je mets dans ce cadre la participation au réseau adolescent, initié il y a quelques années par le centre d'éducation pour la santé autour du suicide des adolescents. Je mets également dans ce cadre les rencontres que nous organisons à peu près mensuellement avec une des équipes partenaires du secteur.

Nous avons rencontré dans ce cadre les médecins généralistes, les assistantes sociales, les différentes équipes de l'hôpital général, les équipes spécialisées en gérontologie, le CAT, mais aussi les pompiers, les gendarmes et, bien entendu, les médecins du travail.
Dans ces réunions, nous présentons nos fonctionnements respectifs et nous essayons d'analyser nos interactions dans le but de les améliorer toujours dans l'intérêt de nos patients.

C'est à partir du C.M.P, pièce centrale de l'organisation sectorielle, que s'articulent les autres structures.

La première de ces structures, ce sont les unités d'hospitalisation. Pour NOYON, il s'agit principalement de deux unités de 35 lits qui prennent en charge, chacune, dans des lieux séparés, les patients entrants et les patients que je désignerai un peu trop rapidement comme chroniques. Dans le service, il y a quotidiennement environ 25 patients aigus et 40 patients chroniques dont, il faut le souligner, une quinzaine sont des patients hors secteurs, vestige du temps où l'hôpital de CLERMONT recevait les patients de la région parisienne.

Chaque équipe est co-animée par un médecin psychiatre, un cadre infirmier et une psychologue. L'équipe soignante détermine les soins de chaque patient. La moitié environ des hospitalisations aiguës sont sous contrainte, l'autre moitié en hospitalisation libre, c'est-à-dire semblable à une hospitalisation en hôpital général.

Le service dispose d'un service social, d'un animateur. Les patients ont également accès à des services communs à l'ensemble de l'établissement : une unité Sports et Loisirs, un service d'Arthérapie, une piscine.

Parmi les patients chroniques du service, il est une population un peu particulière composée de psychotiques très déficitaires et polyhandicapés. Pour ces patients, le service a développé un Centre d'Accueil à la journée où ils sont pris en charge en très petits groupes dans des activités adaptées. Ce centre organise également des séjours à la journée ou à la semaine.

Le service dispose, comme tous les services de l'hôpital, d'un bar, lieu de convivialité où se rassemblent les patients en sortie autorisée dans le parc, vestige des ergothérapies des années 1950.

L'organisation institutionnelle du service est fortement charpentée. Il existe de nombreuses réunions par unité et par fonction, réunions d'équipe et de synthèse, qui toutes convergent vers une réunion de service mensuelle. Le service, comme tous les autres dans l'hôpital, est également engagé dans un processus d'accréditation. Des procédures, des protocoles ont été mis en place. Des questionnaires de sortie mesurent la satisfaction des patients qui, bien que, comme je l'ai dit, beaucoup soient hospitalisés sous contrainte, laisse apparaître une très grande majorité de satisfaits.

Les unités d'hospitalisation du secteur de NOYON, tout en restant sous la responsabilité administrative de l'Hôpital de CLERMONT, vont bientôt être relocalisées avec les unités d'hospitalisation du secteur de COMPIEGNE sur un site très proche du Centre Hospitalier de COMPIEGNE. Cette relocalisation, nous l'espérons, participera au mouvement de déstigmatisation de la maladie mentale souhaitée par tous.

Les autres structures du service rentrent dans le cadre de ce que l'on nomme, de façon moderne, des structures alternatives à l'hospitalisation ou des structures de réhabilitation, de réinsertion ou de réadaptation.

La première de ces structures est le C.A.T.T.P, Centre d'Accueil Thérapeutique à Temps Partiel. Installé à NOYON, dans une maison privée, il accueille quotidiennement une quinzaine de patients sous la forme de ½ journées ou de journées. L'équipe et les soignés organisent des activités manuelles ou récréatives, des sorties, des groupes de parole. De plus en plus, ce centre d'activité s'ouvre sur l'extérieur. Il utilise les équipements socio-culturels de la ville de NOYON, piscine, théâtre, maison de quartier, etc… Cette intégration de ce centre d'activité et d'accueil est un des grands enjeux de la politique de secteur.

Le C.A.T.T.P accueille principalement des patients ayant séjourné dans les unités d'hospitalisation. Certains patients hospitalisés fréquentent le C.A.T.T.P de façon à préparer leur sortie. Certains patients fréquentent le C.A.T.T.P sans avoir été hospitalisés. Les pathologies sont diverses, psychoses bien sûr mais aussi états dépressifs chroniques que le C.A.T.T.P soutient dans leur relation souvent difficile à leur entourage ou dans leur solitude.

Les autres structures du service sont les appartements associatifs et la maison communautaire. Il s'agit de logements mis à la disposition de patients, souvent à leur sortie d'hospitalisation, par l'Association du service. Les conditions de ces hébergements sont le suivi par l'équipe du secteur et le respect d'un règlement intérieur. Il existe trois indications principales. Les unes sont plus sociales : il s'agit de patients qui, sans hébergement, resteraient de façon indue hospitalisés en psychiatrie. La seconde indication est une pathologie qui nécessite un étayage important de l'équipe du C.M.P avec des visites quasi quotidiennes. Une autre indication habituelle est une mise en situation d'autonomie assistée de patients psychotiques qui vivaient jusque là au domicile des parents.

Les patients paient un loyer et les charges et perçoivent l'A.P.L.

La maison communautaire fonctionne sur le même mode, mais il s'agit là de patients chroniques ayant pour la plupart passé de nombreuses années en psychiatrie. Ils bénéficient de l'assistance régulière d'une équipe qui les aide à assumer leur vie de groupe et leur vie matérielle : les courses, le ménage, etc…

Pour les appartements thérapeutiques, la durée de présence est variable, en moyenne de six mois. Pour la maison communautaire, il n'y a pas de limite dans le temps de résidence.

Il existe deux structures souvent présentes dans des secteurs de psychiatrie et dont notre secteur ne dispose pas : il s'agit du Foyer de Post-Cure qui accueille pour un temps long, en internat, des patients sortis de l'hospitalisation psychiatrique et pour lesquels un travail lourd de réadaptation et d'insertion doit se mettre en place. La durée de séjour y est en principe de un an, renouvelable une fois. Il existe sur le secteur de COMPIEGNE une structure de ce type à laquelle nous avons parfois recours dans le cadre d'une coopération intersectorielle. La deuxième structure est l'Hôpital de Jour dont le Docteur BROUSSE dispose sur le secteur de PONT-Ste-MAXENCE et dont elle vous dira peut-être quelques mots. Il s'agit, là encore, d'une prise en charge à la journée, plus structurée et intensive que celle du C.A.T.T.P. L'Hôpital de Jour de PONT-Ste-MAXENCE est également intersectoriel et nous pouvons y avoir recours.

L'établissement de CLERMONT dispose également d'un C.A.T à CREIL, accueillant des patients psychotiques et d'ateliers thérapeutiques divers sous la forme d'un atelier rural, d'une structure hôtel-restaurant, d'un atelier de couture, d'un atelier informatique. Ces différents ateliers accueillent des patients en majorité sortis de l'hôpital. Leur statut d'atelier thérapeutique permet que la Sécurité Sociale prenne en charge les transports, ce qui est important pour NOYON qui est à 60 km du clermontois.

Quelques chiffres pour résumer : le secteur a pris en charge, d'une façon ou d'une autre, pendant l'année 2001, 1 160 personnes. C'est un tout petit moins que la moyenne nationale qui s'établit aux alentours de 1 200 - 1 250. C'est ainsi aux alentours d'un million de personnes qui sont prises en charge par les secteurs de psychiatrie français.

Sur ces 1 160 personnes, 90 % auront fréquenté les structures hors hospitalisation. 80 % auront fréquenté le C.M.P, soit 860 environ. Un peu plus de 350 personnes auront été vues à l'hôpital général. 250 auront été hospitalisées en service de psychiatrie. Ce chiffre est un peu inférieur à la moyenne nationale qui s'établit aux environs de 350.

80 personnes environ auront fréquenté le C.A.T.T.P. Les 7 places d'appartements associatifs auront été remplies à 80%. Les 5 places de la maison communautaire sont occupées en permanence.

D'après une étude récente, il y a 5 grands types de secteur. Le premier type est organisé principalement autour du C.M.P qui représente autour de 80 % de la file active. C'est le cas de NOYON. Un deuxième type est représenté par des secteurs qui ont, sur leur zone géographique, un hôpital pivot. Leur présence en S.A.U explique leur file active très élevée, plus de 1 800 (2 500 pour COMPIEGNE). Un troisième type est constitué par des secteurs ayant encore une partie importante de leur file active représentée par l'hospitalisation psychiatrique : plus de 30 %. Ces services sont souvent situés dans des hôpitaux psychiatriques qui se sont développés sur le secteur un peu plus tardivement. Il est à noter cependant que beaucoup de ces services accueillent des patients de secteurs considérés comme plus modernes qui ont tellement diminué leur capacité d'hospitalisation qu'ils "exportent" leurs patients les plus difficiles. Les deux autres types sont constitués par des secteurs moyens, généralistes.

Quelles sont les perspectives évolutives de la psychiatrie ? D'abord, il faut situer les tendances lourdes et à longue échéance.

Depuis 20 ans, le nombre de lits a été au moins divisé par deux. Depuis 10 ans, la file active des secteurs de psychiatrie publique a augmenté de 46 %. Ces deux chiffres montrent s'il en était besoin que la sectorisation psychiatrique a été une réussite. De plus en plus de personnes ont recours à la psychiatrie publique, essentiellement pour ses services extra hospitaliers. Les C.M.P, quoi qu'on en dise, sont connus pratiquement toujours par nos partenaires. Par contre, il est vrai que la notion de sectorisation a beaucoup de mal à être connue et comprise.

Deuxième tendance lourde, les services de psychiatrie se sont rapprochés de la population. Les secteurs de NOYON et de COMPIEGNE seront dans 3 ans sur le site de COMPIEGNE. L'Oise, sur ce plan, n'est pas en avance. Les deux secteurs du saint-quentinois se sont installés à l'hôpital général de SAINT-QUENTIN en 1984. Il s'agit d'un mouvement lent mais régulier. Jamais, depuis 20 ans, des services n'ont été créés loin de la population.

Autre tendance lourde, une tendance à l'homogénéité des équipements en termes de structures. La grande majorité des secteurs comporte un ou plusieurs C.M.P, un ou plusieurs C.A.T.T.P, des lits d'hospitalisation, des appartements et des structures de suite. Les disparités concernent principalement le nombre de lits et le nombre des soignants (médecins et infirmiers) qui sont très variables selon les régions.

Dernière tendance lourde, l'augmentation considérable du nombre d'hospitalisations aussi bien en terme de file active, en terme d'hospitalisation par patient. Contrairement à ce qu'on pouvait penser, le développement du travail de secteur n'a pas réduit le nombre d'hospitalisations. Au contraire, le recours à l'hospitalisation psychiatrique s'est développé, notamment pour les patients dépressifs. Il s'est avéré que de brèves séquences d'hospitalisation avaient souvent des effets très positifs dans des situations de souffrance individuelle et familiale.

L'élargissement de la population hospitalisée, associé à une plus claire conscience des patients de leurs droits, a fait évoluer progressivement le quotidien de l'hospitalisation psychiatrique. Avec la mise en place de livret d'accueil, de questionnaire de sortie, l'affichage de la charte du patient, l'accès au dossier médical, c'est une révolution des soins qui s'est engagée et à laquelle les équipes soignantes s'adaptent avec plus ou moins de difficultés.

Passons maintenant aux grandes perspectives de la politique actuelle. Elles ont été tracées, à partir d'un rapport des Docteurs PIEL et ROELANDT en 2001, dans le Plan Santé Mentale rédigé par le Ministère. Les grandes lignes sont :

- la déstigmatisation de la maladie mentale à partir d'une large information des professionnels et de la population générale,
- l'harmonisation des secteurs avec les autres découpages sectoriels : secteurs sanitaires, sociaux, administratifs et judiciaires,
- fédération de secteurs par bassin de vie pour développer des structures alternatives intersectorielles,
- développement des réseaux,
- réduction extrême du nombre de lits et fermeture des hôpitaux psychiatriques,
- renforcement du rôle des associations d'usagers (associations de famille et associations de patients) dans le fonctionnement des secteurs, de l'hospitalisation, de la formation des professionnels.


Pour finir, les problèmes et les obstacles :

La démographie psychiatrique est catastrophique. Depuis 20 ans, il n'a pas été prévu la relève de la génération actuelle. Quelles que soient les décisions qui seront prises, quels que soient les palliatifs utilisés (recours aux généralistes, aux réseaux, à des psychiatres étrangers, etc…), la situation sera calamiteuse à partir de 2005, c'est-à-dire demain. Nul ne peut dire comment on pourra faire fonctionner le système sectoriel dans 10 ans.

Au problème de la démographie psychiatrique s'ajoute le problème de la démographie infirmière. Là encore, des politiques restrictives ont abouti à une quasi impossibilité de trouver un infirmier sur le marché du travail. On peut espérer que le doublement des promotions d'infirmiers décidé l'année dernière améliore la situation dans trois ou quatre ans. Il restera cependant le problème de transmission des savoirs dans l'institution.

Pour les médecins, le problème de transmission des savoirs se pose aussi. Les internes formés aujourd'hui en trop petit nombre passent la quasi totalité de leur formation dans des C.H.U où rien ne les prépare à un travail de secteur. Du coup, trois sur quatre d'entre eux s'installent dans le privé.

Enfin, les sorties massives de malades psychiatriques, sans avoir prévu des structures alternatives ou médico-sociales en mesure de les prendre en charge ont développé dans certaines régions, notamment la région parisienne, une clochardisation des malades mentaux, ainsi qu'une augmentation de la population carcérale de ces personnes.


Conclusion, le secteur psychiatrique, modèle français d'organisation de la psychiatrie publique depuis 1960, a permis à notre pays de répondre à la demande croissante de la population et de la société depuis 30 ans. Il a accompagné les révolutions du soin, révolutions thérapeutiques par les psychothérapies et les médicaments mais aussi révolutions sociologiques, notamment dans les relations intra-familiales.

Le secteur psychiatrique est un modèle évolutif. Les 800 secteurs français sont des lieux d'expérience, capables de s'implanter dans la communauté et de s'adapter aux situations locales.

Cependant, le modèle sectoriel a des limites : en l'absence d'une politique générale de l'Etat et compte tenu de l'exacerbation des particularismes locaux, il a laissé se développer des inégalités considérables en moyens (de 1 à 46) et des disparités de prises en charge selon les optiques de l'équipe soignante.

Le modèle sectoriel est-il à conserver ? à réformer ? à dépasser ? Pour ma part, je pense que nous n'en avons pas encore, loin de là, épuisé toutes les potentialités.

Je vous remercie.