Défibrillateur Semi-Automatique
(D.S.A.)
Exposé du Dr Thierry RAMAHERISON
(SAMU 60)
Rapporté par le Dr Gérard ARASZKIEWIRZ
Illustrations LAERDAL©
Selon les études françaises récentes, la « mort subite » provoquée par un arrêt cardio-circulatoire inopiné serait due à une Fibrillation Ventriculaire (FV) dans un cas pour mille (30 à 35.000 décès). Selon d'autre sources, la presque totalité de ces « morts subites » débuteraient pas une phase de FV. Le consensus international qui régit la prise en charge de l'arrêt cardiaque repose sur la description de quatre étapes représentant les quatre maillons de la « chaîne de survie » : (1) alerte précoce, (2) réanimation cardio-pulmonaire de base précoce, (3) défibrillation précoce, (4) réanimation spécialisée précoce. L'application de ce consensus pourrait permettre d'obtenir un taux de survie de ces patients de l'ordre de 30 à 40 %, alors qu'il n'est aujourd'hui que de 1 à 2 %.
Défibrillation précoce : un maillon essentiel de la chaîne de survie
Pour comprendre l'intérêt primordial de la défibrillation précoce lors de la prise en charge de l'arrêt cardio-circulatoire, il est nécessaire de s'interroger sur les indications de cette technique face aux différentes étiologies qui aboutissent à cette détresse vitale.
Principales étiologies de l'arrêt cardio-respiratoire (ACR)
L'arrêt cardio-circulatoire est défini, non comme la disparition
de l'activité électrique du cur (asystolie), mais comme
l'absence de pouls chez un sujet inconscient qui ne respire plus (état
de mort apparente). Il peut être dû à une cause cardiogénique
(infarctus du myocarde, troubles du rythme ou de la conduction), à un
désamorçage de la pompe cardiaque liée à une hypovolémie
(choc hémorragique) ou à une vasoplegie (choc anaphylactique).
Plus rarement, il peut avoir une origine respiratoire (évolution finale
d'une détresse respiratoire quelle qu'en soit l'origine), neurologique
ou toxique.
En pratique tout arrêt cardiaque aboutit à l'une des trois situations
suivantes, et cela indépendamment de son étiologie :
Fibrillation Ventriculaire (FV) : Elle correspond à l'existence d'une
activité électrique anarchique et désorganisée.
Il en résulte une inefficacité totale à assurer la fonction
circulatoire (absence de pouls). Les Tachycardies Ventriculaires (TV) mal tolérées
obéissent au même mécanisme. La défibrillation semi-automatique
précoce est indiquée chez toute victime en état de mort
apparente du fait de la survenue d'une fibrillation ventriculaire (FV) ou une
tachycardie ventriculaire (TV) avec détresse circulatoire.
Asystolie : Il s'agit d'une interruption de l'activité électrique
du cur (tracé plat). Elle peut être l'aboutissement de l'évolution
d'un arrêt cardio-respiratoire pris en charge trop tardivement. Ses chances
de récupération sont minimes.
Dissociation électromécanique : Il s'agit d'une activité
électrique sans pouls. C'est un piège diagnostic dans la mesure
où l'activité électrique visualisée sur le scope
semble normale mais où elle n'entraîne aucune contraction cardiaque
(absence de pouls). Elle nécessite de rechercher une étiologie
mécanique (hemopéricarde ou pneumothorax compressif).
Justification de la défibrillation précoce
La fibrillation ventriculaire constitue la première cause d'arrêt
cardio-circulatoire, en particulier chez l'adulte jeune. Selon les études
dont nous disposons actuellement, la FV semble être à l'origine
de 70 à 85 % des arrêts cardio-circulatoires non traumatiques de
l'adulte. Dans le cadre de la « mort subite », son incidence est
estimée à 1 pour 1000 en France (30 à 35.000 décès).
Notons que si cette incidence semble bien moindre que celle rencontrée
aux Etats-Unis, cela s'explique par l'existence de deux biais : le système
français de déclaration des décès ne prends pas
en cause le diagnostic de « mort subite », et nos délais
d'interventions sont plus longs que ceux des « paramédics »
américains (le taux de FV retrouvées décroît avec
le temps).
La prise en charge de la FV repose sur l'administration d'un choc électrique
externe (défibrillation) pour arrêter momentanément toute
activité électrique du cur et permettre de re-synchroniser
l'ensemble de ses fibres et mettre ainsi fin à l'anarchie électrique
responsable d'un asynchronisme mécanique à l'origine de la défaillance
circulatoire.
Le taux de survie du patient dépend directement du temps écoulé
entre l'instant où survient l'arrêt cardio-circulatoire et le moment
où est réalisé la défibrillation.
Quatre chiffres pour mieux comprendre les enjeux
Survie du cerveau en fonction |
2 %
|
C'est le taux de survie de l'ACR en cas de défibrillation tardive (12 minutes) à l'arrivée des secours médicaux, si rien n'a été tenté avant par les témoins ou par les secouristes. |
8 %
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C'est le taux de survie de l'ACR si une réanimation cardio-pulmonaire de base précoce (RCP-B) a été entreprise par les témoins avant la défibrillation tardive (12 minutes). | |
20 %
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C'est le taux de survie de l'ACR si une réanimation cardio-pulmonaire de base précoce (RCP-B) assortie d'une alerte précoce ont été entreprises par les témoins avant la défibrillation précoce. | |
40 %
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C'est le taux de survie de l'ACR si une réanimation cardio-pulmonaire de base précoce (RCP-B) assortie d'une alerte précoce ont été entreprises par les témoins avant la défibrillation précoce et que le patient a pu bénéficier également d'une réanimation cardio-pulmonaire médicalisée précoce (RCP-M). | |
La défibrillation semi-automatique
Jusqu'à ces dernières années, les chocs électriques
étaient délivrés par les médecins utilisant des
défibrillateurs manuels munis de palettes métalliques, à
maintenir contre le thorax du patient. Ces médecins devaient effectuer
le diagnostic rythmologique (recherche d'un rythme « choquable »)
avant d'administrer le choc électrique.
Les DSA sont capable de faire directement le diagnostic du trouble du rythme
(FV - TV sans pouls) au moyen de grandes électrodes collées sur
la poitrine du patient et servant également à administrer le choc.
Leur utilisation est extrêmement simple. Le rôle de l'opérateur
se borne à déterminer le moment du choc en appuyant sur un bouton,
afin qu'il soit réalisé en toute sécurité pour les
secouristes présents auprès du patient (réanimation cardio-pulmonaire
en cours).
Principe de fonctionnement
Les DSA sont munis d'un module d'analyse du rythme cardiaque détecté
par les électrodes pariétales. C'est l'appareil qui pose l'indication
du choc électrique grâce à l'interprétation du tracé
réalisée par un algorithme informatique. En fonction du résultat
de cette analyse, l'appareil autorise ou non l'utilisateur à délivrer
le choc électrique en appuyant sur un bouton (d'où le terme de
« semi-automatique »). Les DSA sont des appareils extrêmement
fiables en raison de leur grande sensibilité (capacité à
reconnaître un rythme devant être choqué) et de leur grande
spécificité (capacité à ne pas délivrer un
choc quand celui-ci n'est pas indiqué). Les études montrent en
particulier que l'interprétation effectuée par l'appareil est
plus fiable que celle réalisée par un médecin entraîné.
Il est à noter que les DSA sont munis d'un système permettant
l'enregistrement des séquences de RCP, des chocs délivrés,
du tracé cardiaque de la victime, du « timing » de l'intervention
et même des propos échangés par les intervenants. Ils permettent
donc l'édition d'un rapport d'intervention qui sera transmis à
l'autorité médicale responsable de la réanimation cardio-pulmonaire
spécialisée. Outre leur rôle médico-légal,
ces informations pourrons être utilisées dans le cadre du contrôle
de qualité de la formation des personnels.
Mise en uvre de l'appareil
L'appareil est relié au patient par l'intermédiaire de deux électrodes
à usage unique (du type de celles utilisées pour l'entraînement
électro-systolique externe), conditionnées par paire dans un sachet
étanche et scellé (date limite de conservation). Selon le modèle
de DSA, les électrodes peuvent être livrées équipées
d'un cordon de raccordement à usage unique, ou prévues pour être
raccordées à un câble faisant partie intégrante de
la « connectique » de l'appareil. Les électrodes sont placées
en position parasternale droite (ligne médio-claviculaire) et sous mamelonnaire
gauche (ligne axillaire médiane). En cas de nécessité,
il ne faudra pas hésiter à raser la pilosité avant de coller
les électrodes (rasoir fourni avec l'appareil).
Une fois les électrodes reliées à l'appareil, le DSA est mis sous tension. Après une rapide séquence d'auto-test, l'appareil est prêt à être utilisé. Il doit impérativement s'intégrer au sein des manuvres de réanimation cardio-pulmonaire en cours et non s'y substituer. Au moment de l'analyse, le DSA annonce « écartez-vous ! » (synthèse vocale).
Si l'appareil détecte un rythme « choquable » (FV - TV sans pouls), il se charge pour délivrer le choc, détermine automatiquement la puissance à délivrer (en joules) et demande à l'utilisateur d'appuyer sur le bouton qui déclenche la défibrillation, après s'être assuré que les sauveteurs ne sont plus au contact de la victime. Après la défibrillation, l'appareil effectue une nouvelle analyse et se charge pour le choc suivant s'il est nécessaire.
Si le pouls réaparait à la suite d'un ou de plusieurs chocs, le massage cardiaque externe (MCE) sera interrompu mais la ventilation artificielle (VA) sera maintenue jusqu'au retour d'une éventuelle respiration spontanée.
Si l'appareil constate que le choc n'est pas indiqué, la réanimation cardio-pulmonaire de base (RCP-B) devra être poursuivie jusqu'à l'arrivée des secours médicaux qui entreprendront la réanimation cardio-pulmonaire spécialisée (RCP-S).
Précautions d'emploi de l'appareil
L'utilisation du défibrillateur semi-automatique doit être strictement
réservée à des personnels correctement formés et
entraînés. Elle est strictement contre-indiquée chez tout
patient n'étant pas en état de mort apparente (conscient, avec
un pouls ou avec une activité respiratoire). Elle est également
contre indiquée chez l'enfant au dessous de 8 ans (moins de 25 kg).
Il faut interdire tout contact avec le patient pendant la défibrillation.
De même il ne faut pas utiliser l'appareil en ambiance humide, en milieu
conducteur (pluie, patient allongé dans l'eau), en environnement où
il existe un risque d'explosion (fuite de gaz), ou dans un milieu inflammable
(essence, solvants chimiques industriels).
Enfin, il convient de ne jamais utiliser le DSA dans un véhicule en marche
(risque d'artefact dans l'interprétation du tracé cardiaque).
Il est à noter que certains appareils refusent d'analyser le tracé
s'ils détectent un mouvement ou des vibrations. Si l'état du patient
nécessite une défibrillation au cours d'un transport, c'est obligatoirement
que l'arrêt cardio-respiratoire vient juste de se produire : le véhicule
doit alors être arrête pour débuter immédiatement
la réanimation cardio-pulmonaire de base et mettre en route l'appareil.
Réglementation et textes
Décret no 98-239 du
27 mars 1998 fixant les catégories de personnes non médecins
habilitées à utiliser un défibrillateur semi-automatique
Arrêté du 4 février
1999 relatif à la formation des personnes non médecins habilitées
à utiliser un défibrillateur semi-automatique
Arrêté du 10 septembre
2001 relatif à la formation des secouristes à l'utilisation
d'un défibrillateur semi-automatique
Circulaire du 24 octobre 2001,
prise pour l'application de l'arrêté du 10 septembre 2001 relatif
à la formation des secouristes à l'utilisation d'un défibrillateur
semiautomatique
Note dinformation DDSC/SDSP/BFASC
n° 02.767 du 25 mars 2002 relative aux formations aux premiers secours
Référentiel (Mars 2002)
Vous pouvez télécharger ICI
le référentiel de l'AFUDSA
(Attestation de Formation à l'Utilisation du DSA) |